Meeting Kim Lê
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Tu as une formation en architecture, peux-tu nous parler de ton parcours et de ce qui t’a menée à la céramique ? Je suis curieux de savoir en quoi ce parcours nourrit ou a de l’influence sur ta pratique de la céramique.
J’ai suivi des études d’architecture à Paris, avec une année d’échange à Helsinki, en Finlande, à la TaiK. J’ai adoré mes études, la formation en école d’architecture est très pluridisciplinaire. On y apprend à conceptualiser nos idées, à formaliser des projets et les exprimer avec une grande variété de médiums. Helsinki a été une année un peu à part, où j’ai intégré une école d’art et de design. De fait, j’y ai rencontré des personnes d’horizons différents, je me suis confrontée à d’autres façons d’apprendre, c’était très enrichissant. À mon retour à Paris, près avoir obtenu mon diplôme d’architecte en 2011, je n’avais pas très envie d’aller travailler en agence et par chance j’ai trouvé un poste un peu atypique au Pavillon de l’Arsenal, centre d’exposition dédié à l’architecture et l’urbanisme de Paris. J’ai travaillé 8 ans au sein du service des expositions, en tant que commissaire d’expositions puis à la fin comme responsable du service. En parallèle de ce poste, que j’ai occupé jusqu’en 2019, j’ai découvert la céramique à travers un stage d’initiation en 2017. J’ai d’abord découvert le modelage, puis le tournage. Comme j’étais plutôt attirée par des formes sobres, aux silhouettes régulières, je me suis plus intéressée au tournage mais j’ai vite constaté que la technique nécessitait beaucoup de temps d’apprentissage avant de pouvoir réaliser ce que l’on voulait. Je me suis donc inscrite à un cours hebdomadaire, à deux pas du bureau. Après quelques mois, j’ai eu envie de venir avec mes dessins, et au fur et à mesure j’ai appris à réaliser les formes dont j’avais envie. L’idée d’en faire mon activité principale a progressivement germé et le reste a suivi.
Tes pièces font preuve d’une grande maitrise et d’une vraie finesse. Est-ce que tu dessines tes formes en amont ?
En effet, je dessine systématiquement mes formes avant de les ébaucher au tour. Je tourne rarement sans dessein et le dessin reste le médium avec lequel je suis le plus à l’aise pour formaliser une intention. Je conçois en céramique comme je conçois en projet d’architecture, par un processus itératif. Je dessine, je fais un premier essai au tour, je réajuste le dessin, et je répète les aller-retours. Je crois que le dessin aide également ma main à se familiariser avec la forme que je veux tourner, avec les lignes et les courbes qui me conviendraient.
Peux-tu nous parler des matériaux que tu utilises ?
Je tourne principalement le grès. C’est une argile qui se cuit à haute température, ce qui me permet d’obtenir des émaux avec des variations de surface intéressantes. Le grès que j’utilise est extrait et fabriqué en Puisaye, en Bourgogne. Depuis peu, j’essaye progressivement d’expérimenter avec des matériaux que je récupère ou que je glane. Ça peut être des cendres de poêle, de l’argile, des roches, du sable. Selon la nature du matériau, je l’utilise ensuite dans l’émail, en engobe, ou je l’introduit dans le grès que je tourne.
Peux-tu nous parler d'un(e) céramiste ou d'un(e) artiste que tu apprécies particulièrement ?
J’aime beaucoup le travail de Pottery West, l’atelier de Catherine et Matt West. Ils sont basés à Sheffield, en Angleterre. J’ai découvert leur travail au tout début de mon apprentissage. Ils font de la vaisselle en grès, au tour et formulent leurs propres émaux. Je trouve leur travail très équilibré. Il est sobre, singulier et chaleureux. Je leur ai acheté une tasse l’année dernière, et elle fait partie de mon quotidien à l’atelier, je l’utilise tous les jours. C’est une tasse cylindrique, comme un gobelet, cuite au feu de bois, recouvert d’un émail du type céladon. Les parois sont plutôt épaisses, ça lui donne une allure un peu rustique, mais elle ne pèse pas dans la main. Je l’aime beaucoup et elle m’a remise en question sur mon travail. J’ai trouvé son épaisseur agréable et je m’en suis inspirée tout au long de l’année pour revoir celle de mes pots.
Je t’ai trouvée très généreuse lors de nos rencontres et sais que tu échanges énormément avec d’autres céramistes, avec ta communauté Instagram et avec tes élèves via les cours. Est-ce que cet aspect collaboratif et dans le partage de la céramique est important pour toi ?
Oui, j’y accorde beaucoup d’importance. La céramique, c’est une pratique qui peut être très solitaire. Même si je prends beaucoup de plaisir à travailler seule, je ressens toujours le besoin de régulièrement partager et échanger sur la pratique. Les réseaux sociaux ont été un bon outil pour facilement avoir accès à du contenu technique, aller à la rencontre d’autres céramistes, découvrir des parcours inspirants. J’ai beaucoup appris grâce aux contenus de certains céramistes sur les réseaux, et j’essaye aujourd’hui d’être aussi généreuse qu’ils le sont, en me disant que peut-être, ça pourrait être utile à quelqu’un par la suite. Par ailleurs, j’essaye de dédier du temps pour aller visiter d’autres ateliers. Ça me permet de me confronter à des visions différentes sur le métier et d’échanger en toute transparence sur la gestion d’un atelier. Je ne crois pas en l’effet de la concurrence. De même que lorsque j’enseigne, je partage toutes mes techniques aux élèves. Je partage tout ce que je peux partager.
Quels sont tes projets et envies pour la suite ?
Suivre d’avantage mes envies. Notamment dédier plus de temps au tournage de grandes pièces. Il y a quelque chose qui me fascine dans les grands pots tournés. Je trouve que le tournage leur donne du souffle, une présence que je trouve intimidante et belle. Dans un plus long terme j’aimerais bien créer un petit atelier d’été à la campagne, pour y rassembler des matériaux glanés et expérimenter des cuissons au feu de bois.
Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment à l’atelier ?
Depuis la rentrée, j’ai beaucoup écouté Khruangbin. J’ai découvert ce groupe sur la route cet été - mille ans après tout le monde, je sais!, et depuis j’écoute ça à l’atelier régulièrement, ça me rappelle de chouettes souvenirs. Et sinon cette semaine, où il me fallait des chansons entrainantes parce que je n’ai fais qu’émailler - et que je trouve l’émaillage très monotone : Morrissey, Jonathan Richman et Emitt Rhodes.