Rencontre avec Luna Mara

Comment est-ce que tes pratiques de la céramique et du textile se complètent ou s’opposent ?

Mon travail en textile est vraiment le pendant naturel de ma pratique de la céramique. Quand mes pièces sèchent ou reposent, je m’assieds et couds pendant des heures, dans une sorte d’état méditatif. Ces deux pratiques sont connectées pour moi et nourrissent ma curiosité des rituels, des symboles ainsi que notre connexion à la nature. 

Luna Mara for Volume Ceramics “Incident”, “intuition” sont autant de mots que tu utilises pour qualifier ton travail. Est-ce que tu peux nous parler de ton processus créatif ?

Lorsque je travaille en céramique, j’utilise différentes méthodes de modelage, qui me permettent de travailler lentement. Les pieces emergent progressivement en prenant le temps nécessaire. J’ai vite compris que forcer ou se presser ne fonctionnait pas en céramique. Lorsque j’ai trop de choses en tête, je me déconnecte grâce à la terre. C’est un exercice constant de retourner à cet état intuitif où la terre et moi travaillons ensemble. Je ne suis pas dans le contrôle mais j’ai confiance en ce qui arrive. Cette philosophie est aussi valable en général donc j’essaie de m’y tenir !  

Je dessine énormément mais sans forcément penser à la céramique. Je dessine des formes et parfois un vase surgit de cela. En général je commence une pièce avec une idée précise, mais en créant je laisse surgir d’autres choses et en général je change mes plans initiaux au fur et à mesure du processus.

 luna mara for volume ceramics studio visit

Peux-tu nous parler des pièces sélectionnées pour Volume Ceramics ?

Certaines pièces reprennent mes formes favorites, sur lesquelles je travaille depuis un moment, d’autres ont émergé de manière plus intuitive, dans l’état que je décrivais précédemment. J’ai également confié à Volume ma pièce préférée, faite à la fin de mon expérience au Danemark. Pour cette pièce, j’ai utilisé de la cendre collectée dans la cheminée de l’école, pour créer mon premier émail naturel, sur une pièce faite à la technique de la plaque.

Cette pièce a vraiment une signification particulière pour moi et je l’ai conservée pendant longtemps ; je crois qu’elle est prête à partir maintenant ;-)

Moon luna mara for volume ceramics 

Qu’est-ce qui t’a menée vers la céramique ?

Pendant ma dernière année d’études en Design multimédia, j’ai questionné qui j’étais et ce que je voulais faire, pour réaliser que ce n’était définitivement pas le graphisme. J’ai ressenti à la fois le besoin d’être plus connectée à la nature et connectée à moi-même, ce que m’apporte la céramique.

J’ai toujours été tournée vers l’artisanat mais n’avais jamais imaginé étudier la poterie ni pouvoir gagner ma vie avec quelque chose lié à l’art, même si j’ai toujours été entourée d’artistes. Après l’université j’ai suivi mon intuition et ai passé un semestre avec l’artiste Christin Johansson (qui pratique la céramique et la performance). Cette expérience à ses côtés, en pleine campagne au Danemark, m’a énormément influencée.

Écoutes-tu de la musique en travaillant ?
Même si le travail en silence me permet d’atteindre plus facilement cet état intuitif, ou en tous cas différemment, je le fais rarement. J’aime tellement la musique. J’ai des goûts assez larges, de MF Doom à Fela Kuti, en passant par Prince. Dernièrement je commence mes journées avec une playlist de piano (du nom d’un ami qui a une chanson pour tous les moments de vie) ou une playlist instrumentale

J’ai aussi dévoré toutes les saisons du podcast Dissect, où Cole Cuchna analyse la musique, les paroles d’albums hip-hop comme The Miseducation de Lauryn Hill ou Damn par Kendrick Lamar. C’est mon côté un peu nerd, j’adore aller voir plus en profondeur dans les œuvres que j’aime. 

Comment vois-tu évoluer ta pratique ?

J’ai candidaté pour différentes bourses pour 2022 2023, ce qui me permettrait d’investir et de développer ma pratique. Je me tourne de plus en plus vers la sculpture et ressens le besoin de travailler à plus grande échelle. Je verrai ce qui surgira si je m’affranchis de la fonction ou des contraintes d’usage. J’essaie d’exprimer ce que je ressens et d’explorer davantage les thèmes et langages visuels qui me sont chers.

 

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