Rencontre avec Claudia Cauville

Parle nous un peu de ton parcours, qu’est-ce qui t’a menée vers la terre ?

"Vous êtes dans une section qui est en train de crever." Voilà ce qu'on m'a dit mon premier jour de cours en céramique !

La céramique vient à moi par hasard. Après le bac, je postule en design produit dans plusieurs écoles de Londres. C'est alors que Kathryn Hearn, la directrice de la section céramique de Central Saint Martins, prend contact avec moi. Elle trouve que ma sensibilité aux matières et aux couleurs peuvent correspondre. C'est une vraie belle rencontre! Je rejoins donc l'école de mes rêves pour apprendre une matière que je connais très peu finalement. À la suite de l'obtention de mon diplôme, je travaille pour de nombreux designers indépendants dont j'admire le travail. Aucun d'entre-eux ne pratique la céramique mais ils ont tous une production artisanale de leurs objets. À côté, je continue à produire et à vendre ma collection dans l'atelier partagé de Stuart Carrey. Avide d'en apprendre davantage sur l'artisanat, j'intègre l'année suivante l'ECAL en master Artisanat et Luxe. C'est ainsi qu'à la sortie je travaille chez India Mahdavi et chez Hermès (en bijoux corne bois et émail) jusqu'à réaliser que la terre me manque terriblement. En 2019, je retourne à mes premiers amours et j'ouvre mon atelier: La Mine. Un laboratoire créatif où j'accueille des artistes résidents et où j'enseigne la céramique avec des céramistes pointus telle que Linda Bloomfield, chimiste et experte de l'émail. 

Je compare souvent la terre à la cuisine. Il s'agit de se faire plaisir et de parler de ses émotions, afin de parvenir à toucher les autres et à leur procurer du bonheur. C'est une transformation perpétuelle de la matière qui nous apprend l'humilité; et dont la terre dicte la temporalité et non pas l'inverse. Il faut toute une vie pour devenir céramiste, on ne cesse jamais d'apprendre.

D’où vient ton inspiration en ce moment ?

L'été dernier, je suis allée dans le Cappadoce, en Turquie. J'y ai découvert des paysages somptueux, volcaniques marqués par le tuf, cette roche volcanique ou l'homme y a creusé des églises, des villes souterraines, des pigeonniers. C'est un paysage figé dans le temps, où l'homme semble avoir fusionné avec la nature. Les oiseaux y sont nombreux, c'est un théâtre contemplatif. Chaque couché de soleil était un bouleversement. C'est pourquoi, ma dernière collection de vases multi-textures s'appelle "Cappadoce". J'ai voulu retranscrire toutes les émotions que j'avais eu pendant ce voyage à travers les matières et les couleurs. Je conçois aussi une nouvelle série de sculptures anthropomorphes, inspirée du mouvement des oiseaux. C'est une invitation à la contemplation qui suscite l'imaginaire.

Peux-tu nous en dire plus à propos des pièces que tu as créées pour Volume Ceramics ?

C'est un bel ensemble des différentes familles que j'ai travaillées ces dernières années. Les émaux y sont coulants, superposés, c'est une explosion de couleurs et d'expressions. Il y a un très grand vase paysage de Cappadoce, une sculpture corne en hommage aux taureaux, un envol, un pétale, pour les plus récentes sculptures qui associent verres et émaux en figeant le mouvement du feu. Ils ont tous un caractère unique, la vraie histoire appartient au futur collectionneur de se l'approprier.

Est-ce que tu écoutes de la musique / des podcasts à ton atelier La Mine, tu nous partages ta playlist ?

Oui tout le temps, ma playlist musicale est bien trop longue mais je vous recommande la radio anglais NTS, particulièrement le Morning Show de 10h à 12h et le dernier album de Jamie XX.

Mon attachement à Londres est toujours présent... J'écoute très souvent des podcasts, mon coup de cœur du moment c'est Résiste de Sara Forever, c'est très positif et tellement juste. Les couilles sur la table que j'écoute en boucle pour toutes les questions et réflexions sociétales que pose le monde patriarcal dans lequel on vit. Les pieds sur terre - l'heure du monde - Transfert.

Est-ce que tu collectionnes des pièces chez toi ? Je crois que oui :)

Oui la plus belle pièce que j'ai est un vase d'un de mes mentors Paul Philp un céramiste anglais. J'ai complètement craqué il y a deux ans, lors d'une visite au Don du Fel. J'ai des sculptures de Léa Renard, une copine céramiste qui a un univers acidulé très chaleureux. Étienne Mauroy, un tourneur talentueux aux formes douces et aussi des pièces de Brook Sigal mon ancienne résidente de toujours qui m'a appris énormément sur la céramique. J'ai pour tradition d'acheter des céramiques traditionnelles à chaque voyage à l'étranger mais mon placard commence à être trop plein. Alors j'ai commencé un mur d'assiettes :)  Mes objets reflètent mes amitiés, mes voyages, j'ai finalement peu de vases de moi.

Comment vois-tu ta pratique évoluer ?

Je suis de plus en plus confiante dans ma pratique et j'ai la tête pleine d'envies. Depuis que j'ai travaillé en collaboration avec Hugo Toro sur un projet d'intérieur de grande échelle, j'ai envie d'investir davantage les espaces de vie. En assise, sur les murs, pour diviser les pièces, recevoir la lumière. La céramique offre tellement de possibilités, le plus difficile c'est de trouver un four à la hauteur de ses envies!! Je viens de réaliser une colonne sculpturale qui fait un mètre de hauteur, j'aimerais énormément en faire une gigantesque. Maintenant que j'ai touché à de plus gros objets j'ai beaucoup de mal à revenir à de plus petit format. "Sky is the limit" comme on dit.

Découvrir la collection de Claudia pour Volume Ceramics

Partager:

précédent